Jusqu’où nos données peuvent-elles voyager dans le temps ?

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Tortues marines : beaucoup n'ont pas le temps de vivre...

Il y a des photos, des vidéos, des musiques, ou des documents, qui nous sont précieux. On aimerait qu’ils nous suivent dans deux types de dimensions :

  • dans l’espace, en nous permettant d’y accéder de n’importe où, sur n’importe quel appareil, soi-même, ou en partage avec les autres
  • dans le temps, pour soi-même et pour ses descendants…

Combien de temps pourrons-nous garder et lire nos données ? Quels sont les pièges infâmes qui jalonneront leur route ?

Nos données pourraient-elles ressembler aux tortues marines, dont la majorité ne parvient pas à traverser la plage pour rejoindre la mer ? Ou sont-elles conçues comme la plaque de Pioneer, destinée à traverser l’espace et le temps, pour être comprise par un éventuel extra-terrestre, dans quelques millénaires ?

Plaque de Pioneer

Voici donc un petit voyage dans le temps, pour observer ce qui attend nos pauvres données…

T+1 seconde : l’instant crucial…

Aîe… L’instant fatidique du premier enregistrement du fichier… Certaines données sont déjà mortes avant de naître : oubli d’enregistrer, ou alors dans un dossier introuvable (intitulé “temp” dans les profondeurs de l’arborescence ?), clé USB retirée trop vite… Mon conseil : considérer ses données comme son bébé : le poser délicatement en lieu sûr. L’électronique de précision est aussi fragile qu’un prématuré…

T + 1 jour : l’oubli, déjà ?

Au bout d’un jour, la mémoire commence déjà à nous jouer des tours. Où ai-je mis cette clé USB ? Dans quel dossier ai-je mis le fichier ? Zut, j’ai laissé le CD dans la voiture en plein soleil…

T + 1 an : gare aux bobos…

Virus, chute de l’ordi, problèmes techniques divers, changement d’ordi. Au bout d’un an, nombreux sont les aléas que nos données peuvent avoir déjà encontrés. Les solutions ? On les connaît : sauvegarde en ligne ou sur disque externe, notamment. On “oublie” juste de le faire. On se dit “les problèmes, ça n’arrive qu’aux autres”. “Je m’en occuperai demain“.

T + 15 ans  : plusieurs générations – informatiques – sont déjà passées

Pour l’informatique, quelques années, ça équivaut à plusieurs siècles… Souvenez-vous des différents formats de disquettes qui se sont succédés : 5″ 1/4, 3″, 3″1/2, etc. De même que les différentes interfaces : séries, parallèles, USB… Bref, les technologies évoluent et ne sont pas toutes forcément compatibles entre elles, loin de là. Sauvegarder sur un CD ou un DVD, c’est mieux que rien. Mais le support est fragile et la technologie va sans doute évoluer. Il faut donc combiner les différentes techniques et recopier régulièrement les données importantes sur un nouveau support.

T + 100 ans : qu’arrive-t-il après notre mort ?

Supposons que nos données ont survécu à la perte, la casse, le vol, aux changements technologiques et que nous avons bien pris soin de les sauvegarder régulièrement. Nous avons même pris un abonnement d’hébergement en ligne, pour non seulement limiter les risques, mais aussi pouvoir partager les données et y accéder de n’importe où. Bref, une stratégie – presque – parfaite… Jusqu’à ce que la faucheuse passe par là et nous fasse perdre tout contrôle sur ce qui pourra se passer par la suite.

Bien sûr, la question qu’on peut se poser, c’est : avons-nous besoin de garder beaucoup de choses sur plusieurs générations ? La question n’est pas simple : comment savoir ce qui intéressera nos descendants ? Et en supposant qu’ils aient réellement besoin de nos photos, nos vidéos, nos musiques et nos documents divers, comment être sûr que tout cela pourra traverser le temps. Il est déjà bien difficile de trouver un service web fiable sur 5 ou 10 ans. Alors sur 50 ou 100 ans, ça devient compliqué…

T + 100 000 ans : un langage éternel et universel ?

Le cri, d'Edvard Munch

Le cri, d’Edvard Munch

Non, non, ne rigolez pas ! La question n’est pas si saugrenue que ça… Il y a des messages que l’on souhaiterait pratiquement éternels, au delà des générations, au delà des civilisations, voire au-delà de l’espèce humaine telle que nous la connaissons. Un exemple ? J’ai vu un reportage récemment à la télé, sur Arte, dans l’excellente émission “Le Blogueur”, à propos de la gestion des déchets nuclaires. Il y était question, entre autres, d‘un projet d’enfouissement pour des déchets radioactifs sur plus de 100 000 ans. Certains se sont posés la question : comment faire passer le message aux générations futures très lointaines, que ce centre d’enfouissement est dangereux et ne doit pas être pénétré ? Une des difficultés : un peu comme pour la plaque de Pioneer (voir le début de cet article…), comment faire passer un message à des êtres qui ne connaîtront sans doute pas notre langue ? Certains ont avancé l’idée d’utiliser une image comme celle de cette peinture intitulée “Le Cri”, de l’artiste norvégien Edvard Munch.

Plus facile qu’une bouteille à la mer…

J’espère que ce voyage à travers le temps ne vous a pas trop donné le tournis. S’envoyer un message à soi-même pour dans 30 ans, c’est à peine plus facile que de le mettre dans une bouteille et espérer qu’il atteigne l’autre rive de l’océan. Mais on doit pouvoir y arriver…

Et vous, de votre côté, avez-vous déjà mené une réflexion sur ce sujet de la survie au temps ? Quelles solutions avez-vous envisagées ?

 

 

 

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6 comments to Jusqu’où nos données peuvent-elles voyager dans le temps ?

  • Très bon article, bien vu, je crois que je vais investir dans une des offres payantes DropBOx ou SkyDrive… et mes arrières arrières petits enfants pourront profiter de papi en maillot de bain sous la canicule 🙂
    Juste un petite coquille : ” pour non seulement limier les risques” je pense que ça doit être en fait ” pour non seulement limiter les risques”
    Simon de Toile-filante.com a publié : Best-Of Saison 6 : Janvier-Février 2012My Profile

    • Ca y est, coquille corrigée. Merci ! (J’en ai profité d’ailleurs pour améliorer un peu la phrase, parce que ça n’était pas tout à fait claire…) C’est vrai que hier soir, vu l’heure hyper tardive, j’avais relu un peu rapidement.

      Dropbox ou SkyDrive pour montrer nos photos à nos arrières-petits-enfants ? Pas sûr que ça marche sur cette durée, mais ces stockages en ligne peuvent éventuellement servir d’étape… En fait, la conservation des fichiers, c’est un peu comme la “chaîne du froid”, pour les aliments : une seule étape est rompue et tout est perdu…

      Si on arrive à conserver les données sur quelques années et si en plus on les partage, c’est un bon départ. S’il existe plusieurs exemplaires en circulation, on aura plus de chances de pouvoir profiter encore des photos dans 100 ans ! Et nos arrières-petits-enfants pourront rigoler de nos maillots de bain. Qui sait, peut-être que d’ici là, la mode sera de ne plus en porter du tout ?

  • Je lisais hier à ce sujet sur Presse-Citron, cette nouvelle prouesse de scientifiques qui ont réussi le stockage de 700 tera dans un gramme d’ADN.

    Avec ce passage en particulier: “Selon un compte-rendu de la faculté de médecine d’Harvard, l’usage d’un tel procédé de stockage pourrait en théorie permettre de stocker l’intégralité des données numériques produites par l’humanité en un an sur… 4 grammes d’ADN !”

    Ce qui me laisse penser que nos données iront toujours un peu plus loin, un peu plus longtemps grâce aux avancées technologiques et aux chercheurs qui n’en finissent pas de nous surprendre.

    • Effectivement, une des applications visées par les nano-technologies, c’est la nano-informatique. Maintenant, on peut se demander si “toujours plus petit” voudra dire “plus résistant et fiable sur la durée”. Rien n’est sûr, techniquement. Et surtout, ce que j’évoque un peu dans mon article, c’est la dimension humaine du problème. Avoir confiance en ses données, c’est non seulement avoir une technologie fiable, mais c’est aussi et surtout avoir confiance dans des humains : ceux qui vont garder nos données à distance (pour se protéger du vol, des incendies, des pertes, des erreurs, etc.) et éventuellement ceux qui perpétueront notre mémoire digitale sur le web ou ailleurs, sur une longue durée.

  • willemijns

    quoi qu’il en soit et pour rester dans la technologie actuelle, un service de cloud avec des backups réguliers en RAID6 permet de conserver
    les “photos de slips” indéfiniement si un tel service se permet de
    verifier regulierement des somme de controles et de virer les disques durs
    instables au premier soubresaut…

    maintenant nous avons des technologies de stockage tellement grande ou un
    opérateur change un disque dur de 2 To et cela garantie à X centaines de personnes en moins de 5 minutes (hors copie de données)

    ce que je veux en dire est que si on en donne les moyens (hors World War 3) les données peuvent être conservés à vie maintenant…

  • Oui, “à vie”… La vie de quoi ou de qui, là est la question… 😉 Quant aux technologies actuelles, oui, elles sont très puissantes. Mais, comme je lis souvent (notamment à propos de la sécurité), le maillon faible se situe souvent entre la chaise et le bureau… L’ordinateur sait tout faire, à condition qu’on lui dise… C’est d’ailleurs un peu le but de mon blog : essayer ensemble de mieux comprendre, savoir quoi faire et comment…
    Olivier a publié : Stocker en ligne, c’est sauvegarder ?My Profile

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